Illa J: Yancey Boys

Publié le par Crazy Horus


En gros plan un visage couleur vert absente, celui de John Yancey aka Illa J. Dans son œil gauche, à l’intérieur de sa rétine à la place de sa pupille, apparaît le spectre de son frère, James Yancey aka J Dilla. Sur la tranche du boîtier, à la verticale est inscrit : « Produced by Jay Dee (aka J Dilla). Voici ce que la couverture de Yancey Boys dévoile avec une sobriété percutante, coincé entre deux albums d’Ice Cube dans un bac à disques. Surprise ! L’œil suffisamment exercé à repérer le moindre album mentionnant le nom du défunt producteur de Detroit ne pourra passer à côté. Si c’était le cas, la rencontre aurait dû avoir lieu en novembre 2008, mais on peut toujours rattraper le temps perdu…

 

Yancey Boys vous l’aurez compris, c’est avant tout une affaire de famille. Illa J réalise cet opus grâce à des productions confiées par son illustre frère et qui jusque là n’ont pas filtré... Miracle ! Il faut dire que J Dilla avait pris ses précautions, depuis les nombreux bootlegs de Fan-tas-tic, Jay Dee avait arrêté d’envoyer ses beats aux labels et aux maisons de disques, ce qui en revanche en a poussé certains à cambrioler son studio. Dès lors, il avait pris pour habitude d’enregistrer ses beats sur des tapes en plein milieu de bobine afin de faire croire que la cassette était vierge et ainsi échapper au vol…

 

Après Jay Deelicious: The Delicious Vinyl Years, le label Delicious Vynil revient avec des inédits agrémentés de la touche nu soul d’Illa J qui en rebutera probablement quelques uns. Il est clair qu’une écoute superficielle ne permet en aucun cas d’apprécier la finesse du travail effectué par les deux frères. Il vous faudra certainement y retourner à plusieurs reprises, essuyer quelques déceptions qui se métamorphoseront peu après en joie insoupçonnable. Place donc ici à un son ouaté, délectable et éthéré conçu à partir des deux machines fétiches que sont la MPC et la SP 1200, sur lesquelles Jay Dee à su élaborer son propre univers. Illa J de son côté, probablement influencé et inspiré par le travail acharné de son regretté frangin, met au jour cet héritage tant convoité fait de beats minimalistes à la Derrick May et Juan Atkins (autres maîtres de Detroit), de légères boucles de piano et de chœurs nu soul nonchalants (« Timeless », « Showtime »). Bien que l’orientation artistique semble être axée sur le chant, certains titres se rapprochent plus de ce qu’on pourrait appeler un rap conventionnel. Un titre comme « R U Listenin’ ? » par exemple, diffère quelque peu du ton général grâce notamment à la présence de Guilty Simpson qui apporte une réelle épaisseur au morceau. Quant aux scratches de J Rocc, ceux-ci amènent une fluidité à la tonalité déjà très smooth de « DFTF ».

 

Si la personnalité d’Illa J apparaît quelque peu effacée tout au long de l’album, celle-ci semble tout de même se fondre parfaitement dans une musique qui brille par sa finesse, sa retenue (« Strugglin ») et respectueuse des productions qui affichent une certaine décontraction (« Swagger »). L’album délivre par endroits quelques titres délicieusement apathiques (« All Good »), qui secrètent une musique pétillante et savoureuse comme sur « Sounds Like Love » grâce à la vivacité vocale de Debi Nova.

 

Dans l’ensemble Yancey Boys est un opus doux, flâneur sans prétention et poétique sur lequel le rêveur pourra s’adonner à une songerie calme et reposante. Les gros fans de Jay Dee y trouveront forcément leur compte, l’opus étant pour une fois ni un projet posthume, ni une compilation, mais bel et bien un véritable album composé d’inédits retravaillés par son jeune frère. A l’avenir, celui-ci ne pourra peut être plus bénéficier du génie familial et devra trouver sa propre voie. Bon courage !

 

 

 

Chronique publiée pour Rap2k.com

 


Publié dans Rap

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> J'ai beau eu essayer je n'ai jamais réussi à rentrer dans l'album, j'irai peut être retenter le cout à voir.<br /> <br /> <br />
Répondre