Blaq Poet: Tha Blaqprint
Après de multiples reports l’album de Blaq Poetvoit enfin le jour. Il faut dire que le rappeur de Queensbridge et DJ Premier nous avaient mis l’eau à la bouche lors de leur tournée française en octobre 2008, ventant avec insistance la future tuerie made in New York. Après un Rewind : Deja Screw en 2006 qui signait le retour en solo de l’ex Screwball, nous attendions tous impatiemment le présent opus. Oublions vite Blaq Out paru en fin d’année dernière, tape navrante qui n’avait d’autre but que de nous faire oublier les difficultés concernant la prochaine sortie et goûtons ce nouveau cru mis en bouteille à la propriété…
Même si quelques titres avaient déjà filtré comme « Don't Give A Fucc » ou « Ain't Nuttin' Changed » et son sample psyché de Patti Drew, la surprise reste intacte. Presque entièrement produit par DJ Premier, Tha Blaqprint est l’exemple parfait de l’album purement new yorkais bien « ghetto ». Entre cuts soignés, lyrics hardcore, hymnes de quartier et egotrip traditionnel, le rappeur vétéran fort de son expérience ne lâche rien. Si le MC ne possède pas la plus belle plume du rap actuel et si du poète il n’en porte que le nom, il s’agit en revanche d’un rappeur hors pair. S’immisçant avec brio et une technique remarquable entre les lignes musicales, frappant le beat de sa voix brute et de son flow ample, Blaq Po s’adapte à tout, même au plus improbable, affectionnant le plus souvent les productions froides et sinistres. Avec un tel producteur à ses côtés, Poet semble avoir ressuscité. Les deux hommes se sont souvent croisés par le passé, notamment sur deux titres de Y2K (« F.A.Y.B.A.N », « Seen It All ») à l’époque de Screwball, et se sont toujours jurés de travailler conjointement. C’est aujourd’hui chose faite, l’ancien Gangstarr produit les ¾ de l’album.
Loin des productions dynamiques à la Gangstarr, Primo s’adapte au style de son acolyte, optant pour des sonorités lourdes et consistantes comme « I Gettin » proche cousin du fameux « Bang This » qui permet de développer un « true talk » solide comme du béton armé. Véritable retour au hip hop des années 1990, l’album recèle de vrais instants percutants selon une recette désormais devenue classique à l'image de « Ain't Nuttin' Changed » (sample sur un hook de Akon hé oui !) et « Hate » featuring N.O.R.E. Mais de manière générale, la majeure partie de l’opus renferme une certaine noirceur issue des blocks qu’exhalent de nombreux morceaux du type « Legendary Pt 1 », « Voices », (sublimé par la boucle de Grover Washington) « Let The Guns Blow » et « S.O.S ». Véritable ode au hip hop, le titre « Rap Addiction » déboule en trombe sur des cuivres subtils déchirés par les flow acerbes de Lil’ Fame et Blaq Po, entrecoupés de cuts fugaces qui laissent s’échapper un « Back In The Days » évocateur de Rakim. Quant aux ballades rapologiques que sont « Sichuwayshunz », produit par Gemcrates basé sur une sublime boucle de piano de Mille Jackson et « Never Goodbye » et son sample des Jackson 5, celles-ci révèlent un côté intimiste intéressant.
Dans l’ensemble Tha Blaqprint est un diamant brut qu’il faudra prendre comme tel. Poet est encore aujourd’hui un des rares MC à attaquer le mic sans retenue et avec poigne, celui-ci est tout simplement surprenant. Les deux artistes démontrent une fois de plus leur savoir faire et prouvent que le rap underground n’est pas mort. Cela présage de bons moments à venir notamment avec les NYG’z et le prochain M.O.P. Sur ce : Woooohaaa !