Killah Priest: Elizabeth

Publié le par Crazy Horus

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Moine soldat toujours à l’œuvre, issu de la noble parenté des Sunz Of Man et autres Four Horsemen, Killah Priest est ce rappeur infatigable à la mystique insaisissable, pour qui chaque album est l’occasion d’un prêche obscur, ponctué de références chroniques à la Bible et aux Black Hebrew Israelites. Car depuis Heavy Mental le MC à la mine gotique traverse les années avec un succès fluctuant qui ne semble jamais le dévier de sa quête spirituelle. Cloitré dans son donjon, cet exégète ne cesse d’interroger les textes sacrés parmi les plus farfelus. A l’instar des chants religieux, Priest se dote d’un univers musical unique qui confère presque au liturgique, assisté de près par Hell Razah et le doyen GZA qui l’épaule depuis l’époque de Liquid Swords sur « B.I.B.L.E ».

La sphère Wu Tang aura donc contribué à l’éclosion de ce rappeur redoutable, au style sombre parfaitement assumé, qui manie le mic comme la mort manie la faux. Avec The Offering, Behind The Stained Glass, et son duo avec le terrible Chief Kamachi sur Beautiful Minds, Priest semble s’être accommodé de cette qualité régulière, dont le souffle épique embrase littéralement tout ses réalisations. Suivi de près par son fidèle producteur californien DJ Woool avec qui il a composé la majeure partie de ses derniers opus, le MC a su à la fois se renouveler et garder sa ligne directrice en l’espace de deux albums concentrés sur l’année 2009. Car si The Exorcist paru en mai est le fruit d’une conception musicale familière, celui-ci ne possède pas l’étoffe d’Elizabeth sorti en octobre de la même année. Rarement Priest n’aura été aussi loin dans les tréfonds de l’âme humaine et dans le style « rap hiératique ». D’une noirceur absolue en continu, (« Diagnose », « Drama »), Elizabeth est un opus cohérent qui mêle habilement univers médiéval et contemporain doté d’une teinte à la fois terne et éblouissante à la manière des rayons du soleil sur un vitrail antique. Au-delà de l’aspect purement musical, la poésie prend la forme de métaphores singulières empreintes d’un mysticisme souvent complexe allié à un ego trip plus conventionnel bien connu du genre (« Real Rap Shit »).

 Killah Priest a semble t-il troqué pour un temps sa hargne de guerrier pour la sagesse du prêcheur, mais celui-ci reste confondu dans cette ambiance baroque lourde et fumante où l’assassin côtoie de près le sacré (« Color Of Murder Pt2 »). La pesanteur sait aussi se rendre plus légère et laisse place à des envolées lyriques d’une intensité frissonnante (« What U Want », « Murdah Murdah At Down ») où Priest se livre à une réflexion sur le salut de l’Homme et la dure loi de la rue sur un hook à l’effet décapant :

It goes murdah murdah, kill kill kill

Suicide notes, lines of coke in the bill

Street life, live like a warrior, grab the steel

But you know that the Gods always build

 Les productions marécageuses de DJ Woool confèrent à l’opus une épaisseur musicale intéressante (« Confession Booth », « Sword Clan », « To Be King », « The 7 Crowns Of God »), entre austérité mortuaire (« Dead ») et minimalisme cristallin (« How Much »). On l’aura compris, Elizabeth ne brille pas par son enthousiasme, mais il ravira les adorateurs de son obscur. Déstabilisant, l’opus n’a pas l’entrain d’un The Offering, mais conserve une noirceur évidente distillée sur 24 pistes blafardes dont la rigidité cadavérique peut s’avérer parfois agaçante. Malgré quelques défauts, Killah Priest reste sans conteste un MC incontournable, prolifique, et qui suscite toujours autant de curiosité. En somme un album fidèle à lui-même : c'est-à-dire énigmatique et d’une profondeur insondable.

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Chronique publiée pour rap2k.com

Publié dans Rap

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E
<br /> Ta chronique cartonne, on entre bien dans le délire mystique du bonhomme.<br /> En ce qui concerne l'album, je t'avouerais que je ne l'ai pas écouté. En vérité, Priest me déçoit constamment depuis Behind The Stained Glass. The Exorcist était assez indigeste quant à Beautiful<br /> Mind, je n'ai pas plus kiffé que ca. Cependant, ton papier me donne envie de tester le projet. Puis, va savoir pourquoi, j'adore le nom de l'album.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Merci Esco ;)<br /> Mais t'attends pas à un truc qui cartonne car dans l'ensemble les productions sont moyennes. Certes on retrouve la marque de Priest mais Woool n'est pas le prodo qui lui convient.<br /> Ma notation illustre le propos je n'ai mis que deux @@.<br /> <br /> <br />